jeudi 11 juillet 2013
Histoires de femmes.
C'est une histoire de femmes, de vieilles femmes qui font semblant de croire encore qu'elles sont moins vieilles que ce qu'elles donnent à voir.
Une histoire avec la tante Jo. La soeur du papy, plus proche peut-être de moi qu'elle ne l'est de son vieux frère. Plus proche parce qu'elle sent la vie filer depuis qu'elle a perdu son militaire à la dernière guerre qu'il a menée. Plus proche parce qu'elle me sait un peu sur la défensive et un peu dans le doute de vivre des folies ou des histoires rares.
J'aime bien la tante Jo parce qu'elle connaît toujours la fin des histoires. Elle s'oblige à croire toujours à la belle fin d'une histoire. J'ai toujours des craintes sur la fin d'une histoire, elle jamais. Elle peut me convaincre que le héros va gagner, que le challenger va se battre jusqu'au bout. Elle connait toujours le résultat. Elle fait croire magnifiquement qu'elle connaît toujours le résultat et je la crois…
La tante Jo vient de repartir dans sa petite Kangoo claire avec son sac de pommes de terre nouvelles du Champia, avec ses brocolis de la nouvelle saison. Elle vient de repartir après deux journées passées dans la campagne loin de ceux qui la bouffent et qu'elle bouffe. Tout est toujours question de nourriture et de repas avec tante Jo. J'ai donc mangé avec elle ces deux dernières journées, nous avons partagé nos habitudes et nos audaces gastronomiques ordinaires. C'est cela, nous avons fait de la gastronomie ordinaire à l'image de ce dernier dessert de fruits rouges enrobés de meringue, bassinés dans un jus de citron et un fond de vin rosé. Un dessert avant de reprendre, pour elle, la route vers Liège.
Au cours des deux jours, des buches sous le grill, des bois qui brûlent pour faire semblant de braises et cuire la viande. De la viande, il en fut question ces dernières heures. Des brochettes de porc aux côtes à l'os, des morceaux d'agneau aux patates dorées. Le barbucq a fait de son mieux pour tordre sa grille avec douceur sous la flamme. Les salades du carré avaient fière allure et belle gueule. Pour jouer dans la salade, de petites tomates, rondes et légères.
Parler pendant deux journées entre le soleil levé et le soleil couché. Parler de ce que l'on oublie de dire avant et qu'on ne dira plus après. Parler des enfants et des petits enfants. Dire du bout des lèvres comme on goute du bout des doigts. C'est vrai que j'ai beaucoup parlé ces dernières heures. J'ai sans doute raconté des choses banales et d'autres plus précieuses. Comment en faire le tri ? C'est bien de te savoir, chère Jo, en mesure d'entendre et d'écouter. Il y a donc eu des desserts et des viandes grillées, de grands éclats de rire et de petites moues tristes. Des secrets échangés et d'autres qui le sont moins. Deux belles journées pleine d'une belle fatigue.