mercredi 25 décembre 2013

Le vingt-quatre.


La nuit d'hier avait une longueur inhabituelle. La nuit d'hier n'avait pas les bruits de la campagne mais ceux de la ville. Des pétards qui explosent et des crissements de pneus dans les virages du bas d'une rue empruntée trop rapidement. La nuit d'hier était celle de la veillée de Noël. Elle commence cette nuit douce et remplie de pluie quand la voiture s'immobilise  à moitié sur le trottoir pour un stationnement heureux puisque proche de la maison de ma fille. de sa maison actuelle mais provisoire puisqu'elle vient de décider d'en acheter une autre plus définitive. Encore que je ne sache pas très bien ce que signifie une maison plus définitive dans une société où ce qui est vrai un jour, ne l'est plus le lendemain. Les cadeaux sont lourds à porter et s'amoncellent sous le sapin rouge et vert. ma fille chérie a hérité de moi ce plaisir du jeu discret des couleurs de Noël. Le Norman est vert et dense et les boules rondes, superbes, lourdes mais rouges. Hors de ces couleurs, le reste n'est qu'électricité et ampoules clignotantes. Le cérémonial de l'ouverture des emballages de cadeaux est
réglé comme du papier à … cadeau.

Milo se cherche de déchirer et de dénouer ce qui doit l'être pour faire un plaisir tendre ou généreux à chacun. Je repartirai donc avec de quoi me vêtir, séduire, amuser et nourrir les gens qui m'entourent. Je ne repartirai pas avec ce que j'aurai avalé avec délicatesse ou goinfrerie, ce que j'ai bu avec retenue ou démesure, ce que j'ai humé, fumé, léché, goûté, dévoré sans le savoir ou le vouloir. J'ai passé, au bras de mon petit-fils adorable et au cou de ma petite-fille insouciante, une merveilleuse soirée. Les amusements de bouche, accompagnés d'une coupe de champagne, qui ont ouverts le repas avaient des allures de festins du moyen-âge. Des boudins de légumes aux soupes de poissons, des tomates naines farcies de crevettes aux aumônières de saumon, des blinis au foie gras aux lamelles de saucissons brûlants d'assaisonnements latins. A s'en réveiller le palais. La raclette est venue adoucir le jeu mais aussi délicatement éveiller l'envie de changer d'habitudes gastronomiques. Le fromage de Suisse qui coule entre pomme de terre et jambons secs et fumés.

La salade pour faire diversion. Délicieuse petite parade. le dessert est somptueux. Une délicatesse qui ne sera jamais une bûche et une bûche qui ne sera jamais crème au beurre. Fraîche et douce, l'onctuosité de la pâtisserie provoque un engouement qui aura raison de toute la branche du gâteau. J'en avalerai deux avec avec bonheur, le papy en mange quatre, avec les doigts, les yeux et le coeur. Un dernier verre de pecket distillé à quelques mètres d'ici au milieu de la nuit mais renoncer à goûter le ron du Vénézuela pour lui réserver un accueil plus gratifiant, le ventre plus léger et l'esprit plus libre. Le vieux papy photographie ce qui n'est pas commun à ces soirées de Noël. Il renonce à s'attarder aux gens pour leur préférer les choses dont ils vivent. Je m'endors jusqu'au milieu de la matinée d'aujourd'hui. Avant de reprendre le chemin des Ardennes dans une clarté que la pluie des derniers jours nous avait cachée, je découvre la future maison de fille adorée qui surplombe la ville, au sommet d'une rue pentue, pavée mais paisible. Une de ces maisons rectilignes, composée de carrés et de parallélépipèdes de briques et de vitres larges, des années cinquante de l'autre siècle que le papy aime pour leur rigueur et leur force. Une belle nuit qui en appelle une autre de repos. Il en est ainsi pour les plus vieilles femmes enjouées comme moi, à chaque folie doit répondre une période douce de repos. je ne dormirai pas tard ce soir.