Les petits riens de la grande fête. Avec l'âge, j'ai bien des difficultés à conduire la préparation des fêtes de fin d'année à bonne fin. Je m'empêtre dans les petits détails qui prennent souvent à mes yeux, une ampleur démesurée qui fait sourire le papy. Je veux être au four et au moulin avec la même ardeur mais la force me fait défaut. Souvent, mes petits, les gens s'étonnent que je cuisine avec tant d'attention pour deux personnes alors que, pour huit ou dix, je renonce aux plus petites envies culinaires, je délègue la conduite des fourneaux. En cause peut-être, la dimension de la cuisine, la gestion du flux des services, l'importance de la cuisson, le volume des plats. J'ignore ce qui me détourne d'une cuisine pour beaucoup, pour tous. Je préfère une cuisine pour peu, une cuisine de tête à tête. Voilà, je pense que je devrais inviter à ma petite table, une personne à la fois. Expliquer à l'élu (dont je ne sais s'il sera heureux l'élu) ce qu'il faut savoir, redouter, aimer, adorer de la préparation. Partager d'un même nez les senteurs et les bonnes odeurs, les fumets et les bruits d'une cuisson tantôt vive, tantôt lente. Parler à voix basse de la cuisson brève des légumes, plus fort dans le crépitement des graisses ou dans le silence de la mijotée paisible d'une pièce de veau ou d'agneau. Je suis pour le tête à tête simple d'une recherche amoureuse du goût. J'ai tiré les guirlandes aujourd'hui. j'ai allongé la lumière sur les murs et les pierres. J'ai dressé le sapin. Pas de Grand Place ici, le sapin reste vert le plus longtemps possible. il pique d'aiguilles bien raides. S'y accrochent des boules, des lumières. Ce soir, un bien rond chou-fleur finissant sous le grill et dans sa sauce blanche, une discrète chipolata vite négociée. Rien d'autre qu'une petite habitude bousculée. L'envie de ne pas en vouloir plus. C'est une ambiance de Noël ce soir. Mais plutôt réservée l'ambiance. Réservée. Quand elle est réservée, on peut s'assoir à la table sans demander si elle vous attend. Elle vous attend et vous le savez. Je perds la boule ce soir. Il me faut l'accrocher à la branche pour en faire une fête.